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Le bras de Valentine pendait hors du lit ; ce bras, dans toute la partie qui se rattachait à l’épaule et s’étendait jusqu’à la saignée, semblait moulé sur celui d’une des Grâces de Germain Pillon ; mais l’avant-bras était légèrement déformé par une crispation, et le poignet, d’une forme si pure, s’appuyait, un peu roidi et les doigts écartés, sur l’acajou.

La naissance des ongles était bleuâtre.

Pour madame de Villefort, il n’y avait plus de doute : tout était fini, l’œuvre terrible, la dernière qu’elle eût à accomplir, était enfin consommée.

L’empoisonneuse n’avait plus rien à faire dans cette chambre ; elle recula avec tant de précaution, qu’il était visible qu’elle redoutait le craquement de ses pieds sur le tapis, mais, tout en reculant, elle tenait encore le rideau soulevé, absorbant ce spectacle de la mort qui porte en soi son irrésistible attraction, tant que la mort n’est pas la décomposition, mais seulement l’immobilité, tant qu’elle demeure le mystère, et n’est pas encore le dégoût.

Les minutes s’écoulaient ; madame de Villefort ne pouvait lâcher ce rideau qu’elle tenait suspendu comme un linceul au-dessus de la tête de Valentine. Elle paya son tribut à la rêverie : la rêverie du crime, ce doit être le remords.

En ce moment, les pétillements de la veilleuse redoublèrent.

Madame de Villefort, à ce bruit, tressaillit et laissa retomber le rideau.

Au même instant la veilleuse s’éteignit, et la chambre fut plongée dans une effrayante obscurité.

Au milieu de cette obscurité, la pendule s’éveilla et sonna quatre heures et demie.