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Mais il lui semblait, à travers la porte de la bibliothèque, voir étinceler l’œil du comte, cet œil qui pesait sur son souvenir, et qui, lorsqu’elle y songeait, l’écrasait d’une telle honte, qu’elle se demandait si jamais la reconnaissance parviendrait à effacer ce pénible effet de l’indiscrète amitié du comte.

Vingt minutes, vingt éternités s’écoulèrent ainsi, puis dix autres minutes encore ; enfin la pendule, criant une seconde à l’avance, finit par frapper un coup sur le timbre sonore.

En ce moment même, un grattement imperceptible de l’ongle contre le bois de la bibliothèque apprit à Valentine que le comte veillait et lui recommandait de veiller.

En effet, du côté opposé, c’est-à-dire vers la chambre d’Édouard, il sembla à Valentine qu’elle entendait crier le parquet ; elle prêta l’oreille, retenant sa respiration presque étouffée ; le bouton de la serrure grinça, et la porte tourna sur ses gonds.

Valentine s’était soulevée sur son coude, elle n’eut que le temps de se laisser retomber sur son lit et de cacher ses yeux sous son bras.

Puis, tremblante, agitée, le cœur serré d’un indicible effroi, elle attendit.

Quelqu’un s’approcha du lit et effleura les rideaux.

Valentine rassembla toutes ses forces et laissa entendre le murmure régulier de la respiration qui annonce un sommeil tranquille.

— Valentine ! dit tout bas une voix.

La jeune fille frissonna jusqu’au fond du cœur, mais ne répondit point.

— Valentine ! répéta la même voix.

Même silence : Valentine avait promis de ne point se réveiller.