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Et quand vous aurez bu, ne prenez plus rien de la nuit.

Valentine avança la main ; mais à peine eut-elle touché le verre, qu’elle la retira avec effroi.

Monte-Cristo prit le verre, en but la moitié, et le présenta à Valentine, qui avala en souriant le reste de la liqueur qu’il contenait.

— Oh ! oui, dit-elle, je reconnais le goût de mes breuvages nocturnes, de cette eau qui rendait un peu de fraîcheur à ma poitrine, un peu de calme à mon cerveau. Merci, monsieur, merci.

— Voilà comment vous avez vécu quatre nuits, Valentine, dit le comte. Mais moi, comment vivais-je ? Oh ! les cruelles heures que vous m’avez fait passer ! Oh ! les effroyables tortures que vous m’avez fait subir, quand je voyais verser dans votre verre le poison mortel, quand je tremblais que vous n’eussiez le temps de le boire avant que j’eusse celui de le répandre dans la cheminée !

— Vous dites, monsieur, reprit Valentine au comble de la terreur, que vous avez subi mille tortures en voyant verser dans mon verre le poison mortel ? Mais si vous avez vu verser le poison dans mon verre, vous avez dû voir la personne qui le versait ?

— Oui.

Valentine se souleva sur son séant, et ramenant sur sa poitrine plus pâle que la neige la batiste brodée, encore moite de la sueur froide du délire, à laquelle commençait à se mêler la sueur plus glacée encore de la terreur.

— Vous l’avez vue ? répéta la jeune fille.

— Oui, dit une seconde fois le comte.

— Ce que vous me dites est horrible, monsieur, ce que vous voulez me faire croire à quelque chose d’infernal. Quoi ! dans la maison de mon père, quoi ! dans ma chambre, quoi ! sur mon lit de souffrance on continue de