Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 6.djvu/50

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Vous lui avez promis que je vivrais ?

— Oui.

— En effet, monsieur, vous venez de parler de vigilance et de protection. Êtes-vous donc médecin ?

— Oui, et le meilleur que le ciel puisse vous envoyer en ce moment, croyez-moi.

— Vous dites que vous avez veillé ? demanda Valentine inquiète ; où cela ? je ne vous ai pas vu.

Le comte étendit la main dans la direction de la bibliothèque.

— J’étais caché derrière cette porte, dit-il, cette porte donne dans la maison voisine que j’ai louée.

Valentine, par un mouvement de fierté pudique, détourna les yeux, et avec une souveraine terreur :

— Monsieur, dit-elle, ce que vous avez fait est d’une démence sans exemple, et cette protection que vous m’avez accordée ressemble fort à une insulte.

— Valentine, dit-il, pendant cette longue veille, voici les seules choses que j’ai vues, quels gens venaient chez vous, quels aliments on vous préparait, quelles boissons on vous a servies ; puis, quand ces boissons me paraissaient dangereuses, j’entrais comme je viens d’entrer, je vidais votre verre, et je substituais au poison un breuvage bienfaisant, qui, au lieu de la mort qui vous était préparée, faisait circuler la vie dans vos veines.

— Le poison ! la mort ! s’écria Valentine, se croyant de nouveau sous l’empire de quelque fiévreuse hallucination ; que dites-vous donc là, Monsieur ?

— Chut ! mon enfant, dit Monte-Cristo en portant de nouveau son doigt à ses lèvres, j’ai dit le poison ; oui, j’ai dit la mort, et je répète la mort, mais buvez d’abord ceci. (Le comte tira de sa poche un flacon contenant une liqueur rouge dont il versa quelques gouttes dans le verre.)