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mais rien ne l’étonnait plus dans la situation où elle se trouvait. Elle avait la conscience que toutes ces visions qui l’entouraient étaient les filles de son délire, et cette conviction lui était venue de ce que, le matin, aucune trace n’était restée jamais de tous ces fantômes de la nuit, qui disparaissaient avec le jour.

Derrière la porte parut une figure humaine.

Valentine était, grâce à sa fièvre, trop familiarisée avec ces sortes d’apparitions pour s’épouvanter ; elle ouvrit seulement de grands yeux, espérant reconnaître Morrel.

La figure continua de s’avancer vers son lit, puis elle s’arrêta, et parut écouter avec une attention profonde.

En ce moment, un reflet de la veilleuse se joua sur le visage du nocturne visiteur.

— Ce n’est pas lui ! murmura-t-elle.

Et elle attendit, convaincue qu’elle rêvait, que cet homme, comme cela arrive dans les songes, disparût ou se changeât en quelque autre personne.

Seulement elle toucha son pouls, et, le sentant battre violemment, elle se souvint que le meilleur moyen de faire disparaître ces visions importunes était de boire : la fraîcheur de la boisson, composée d’ailleurs dans le but de calmer les agitations dont Valentine s’était plainte au docteur, apportait, en faisant tomber la fièvre, un renouvellement des sensations du cerveau ; quand elle avait bu, pour un moment elle souffrait moins.

Valentine étendit donc la main afin de prendre son verre sur la coupe de cristal où il reposait ; mais tandis qu’elle allongeait hors du lit son bras frissonnant, l’apparition fit encore, et plus vivement que jamais, deux pas vers le lit, et arriva si près de la jeune fille qu’elle entendit son souffle et qu’elle crut sentir la pression de sa main.