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comme par miracle, d’échapper Valentine, ne sont point naturelles.

— Je ne songeais point à cela, dit vivement madame Danglars.

— Si, vous y songiez, madame, et c’était justice, car vous ne pouviez faire autrement que d’y songer, et vous vous disiez tout bas : « Toi qui poursuis le crime, réponds : Pourquoi donc y a-t-il autour de toi des crimes qui restent impunis ? »

La baronne pâlit.

— Vous vous disiez cela, n’est-ce pas, madame ?

— Eh bien ! je l’avoue.

— Je vais vous répondre.

Villefort rapprocha son fauteuil de la chaise de madame Danglars ; puis, appuyant ses deux mains sur son bureau, et, prenant une intonation plus sourde que de coutume :

— Il y a des crimes qui restent impunis, dit-il, parce qu’on ne connaît pas les criminels, et qu’on craint de frapper une tête innocente pour une tête coupable ; mais quand ces criminels seront connus (Villefort étendit la main vers un crucifix placé en face de son bureau), quand ces criminels seront connus, répéta-t-il, par le Dieu vivant, madame, quels qu’ils soient, ils mourront ! Maintenant, après le serment que je viens de faire et que je tiendrai, madame, osez me demander grâce pour ce misérable !

— Eh ! monsieur, reprit madame Danglars, êtes-vous sûr qu’il soit aussi coupable qu’on le dit ?

— Écoutez, voici son dossier : Benedetto, condamné d’abord à cinq ans de galères pour faux, à seize ans ; le jeune homme promettait, comme vous voyez ; puis évadé, puis assassin.