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d’être continuellement pour elle un exemple de sagesse et un type de perfection.

Or, madame Danglars redoutait la perspicacité d’Eugénie et les conseils de mademoiselle d’Armilly ; elle avait surpris certains regards dédaigneux lancés par sa fille à Debray, regards qui semblaient signifier que sa fille connaissait tout le mystère de ses relations amoureuses et pécuniaires avec le secrétaire intime, tandis qu’une interprétation plus sagace et plus approfondie eût, au contraire, démontré à la baronne qu’Eugénie détestait Debray, non point parce qu’il était dans la maison paternelle une pierre d’achoppement et de scandale, mais parce qu’elle le rangeait tout bonnement dans la catégorie de ces bipèdes que Diogène essayait de ne plus appeler des hommes, et que Platon désignait par la périphrase d’animaux à deux pieds et sans plumes.

Madame Danglars, à son point de vue, et malheureusement dans ce monde chacun a son point de vue à soi qui l’empêche de voir le point de vue des autres ; madame Danglars, à son point de vue, disons-nous, regrettait donc infiniment que le mariage d’Eugénie fût manqué, non point parce que ce mariage était convenable, bien assorti et devait faire le bonheur de sa fille, mais parce que ce mariage lui rendait sa liberté.

Elle courut donc, comme nous l’avons dit, chez Debray, qui après avoir, comme tout Paris, assisté à la soirée du contrat et au scandale qui en avait été la suite, s’était empressé de se retirer à son club, où, avec quelques amis il causait de l’événement qui faisait à cette heure la conversation des trois quarts de cette ville éminemment cancanière qu’on appelle la capitale du monde.

Au moment où madame Danglars, vêtue d’une robe noire et cachée sous un voile, montait l’escalier qui con-