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— Quel signal ? demanda celui-ci.

Le patron étendit la main vers l’île aux flancs de laquelle montait, isolé et blanchâtre, un large flocon de fumée qui se déchirait en s’élargissant.

— Ah ! oui, dit-il, comme sortant d’un rêve, donnez.

Le patron lui tendit une carabine toute chargée ; le voyageur la prit, la leva lentement et fit feu en l’air.

Dix minutes après on carguait les voiles, et l’on jetait l’ancre à cinq cents pas d’un petit port.

Le canot était déjà à la mer avec quatre rameurs et le pilote ; le voyageur descendit, et au lieu de s’asseoir à la poupe, garnie pour lui d’un tapis bleu, se tint debout et les bras croisés.

Les rameurs attendaient, leurs avirons à demi levés, comme des oiseaux qui font sécher leurs ailes.

— Allez ! dit le voyageur.

Les huit rames retombèrent à la mer d’un seul coup et sans faire jaillir une goutte d’eau ; puis la barque, cédant à l’impulsion, glissa rapidement.

En un instant on fut dans une petite anse formée par une échancrure naturelle ; la barque toucha sur un fond de sable fin.

— Excellence, dit le pilote, montez sur les épaules de deux de nos hommes, ils vous porteront à terre.

Le jeune homme répondit à cette invitation par un geste de complète indifférence, dégagea ses jambes de la barque et se laissa glisser dans l’eau qui lui monta jusqu’à la ceinture.

— Ah ! Excellence, murmura le pilote, c’est mal ce que vous faites là, et vous nous ferez gronder par le maître.

Le jeune homme continua d’avancer vers le rivage, suivant deux matelots qui choisissaient le meilleur fond.

Au bout d’une trentaine de pas on avait abordé ; le