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rapide et gracieux à la fois, et laissant derrière lui un sillon phosphorescent.

Peu à peu le soleil, dont nous avons salué les derniers rayons, avait disparu à l’horizon occidental ; mais, comme pour donner raison aux rêves brillants de la mythologie, ses feux indiscrets, reparaissant au sommet de chaque vague, semblaient révéler que le dieu de flamme venait de se cacher au sein d’Amphitrite, qui essayait en vain de cacher son amant dans les plis de son manteau azuré.

Le yacht avançait rapidement, quoique en apparence il y eût à peine assez de vent pour faire flotter la chevelure bouclée d’une jeune fille.

Debout sur la proue, un homme de haute taille, au teint de bronze, à l’œil dilaté, voyait venir à lui la terre sous la forme d’une masse sombre disposée en cône, et sortant du milieu des flots comme un immense chapeau de Catalan.

— Est-ce là Monte-Cristo ? demanda d’une voix grave et empreinte d’une profonde tristesse le voyageur aux ordres duquel le petit yacht semblait être momentanément soumis.

— Oui, Excellence, répondit le patron, nous arrivons.

— Nous arrivons ! murmura le voyageur avec un indéfinissable accent de mélancolie.

Puis il ajouta à voix basse :

— Oui, ce sera là le port.

Et il se replongea dans sa pensée, qui se traduisait par un sourire plus triste que ne l’eussent été des larmes.

Quelques minutes après, on aperçut à terre la lueur d’une flamme qui s’éteignit aussitôt, et le bruit d’une arme à feu arriva jusqu’au yacht.

— Excellence, dit le patron, voici le signal de terre, voulez-vous y répondre vous-même ?