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Danglars se jeta en rugissant sur ses peaux de bouc.

Quels étaient ces hommes ? Quel était ce chef invisible ? Quels projets poursuivaient-ils donc sur lui ? Et quand tout le monde pouvait se racheter, pourquoi lui seul ne le pouvait-il pas ?

Oh ! certes, la mort, une mort prompte et violente, était un bon moyen de tromper ses ennemis acharnés, qui semblaient poursuivre sur lui une incompréhensible vengeance.

Oui, mais mourir !

Pour la première fois peut-être de sa carrière si longue, Danglars songeait à la mort avec le désir et la crainte tout à la fois de mourir ; mais le moment était venu pour lui d’arrêter sa vue sur le spectre implacable qui vit au-dedans de toute créature, qui, à chaque pulsation du cœur, dit à lui même : Tu mourras !

Danglars ressemblait à ces bêtes fauves que la chasse anime, puis qu’elle désespère, et qui, à force de désespoir, réussissent parfois à se sauver.

Danglars songea à une évasion.

Mais les murs étaient le roc lui-même ; mais, à la seule issue qui conduisait hors de la cellule un homme lisait, et derrière cet homme on voyait passer et repasser des ombres armées de fusils.

Sa résolution de ne pas signer dura deux jours, après quoi il demanda des aliments et offrit un million.

On lui servit un magnifique souper, et on prit son million.

Dès lors, la vie du malheureux prisonnier fut une divagation perpétuelle. Il avait tant souffert qu’il ne voulait plus s’exposer à souffrir, et subissait toutes les exigences ; au bout de douze jours, un après-midi qu’il avait dîné comme en ses beaux jours de fortune, il fit ses comptes