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espèce de masure isolée, et trois ou quatre hommes qui allaient et venaient comme des ombres.

Danglars attendit un instant que le postillon qui avait achevé son relais vint lui réclamer l’argent de la poste ; il comptait profiter de l’occasion pour demander quelques renseignements à son nouveau conducteur ; mais les chevaux furent dételés et remplacés sans que personne vînt demander d’argent au voyageur. Danglars, étonné, ouvrit la portière ; mais une main vigoureuse la repoussa aussitôt, et la chaise roula.

Le baron, stupéfait, se réveilla entièrement.

— Eh ! dit-il au postillon, eh ! mio caro !

C’était encore de l’italien de romance que Danglars avait retenu lorsque sa fille chantait des duos avec le prince Cavalcanti.

Mais mio caro ne répondit point.

Danglars se contenta alors d’ouvrir la vitre.

— Hé, l’ami ! où allons-nous donc ? dit-il en passant sa tête par l’ouverture.

Dentro la testa ! cria une voix grave et impérieuse, accompagnée d’un geste de menace.

Danglars comprit que Dentro la testa voulait dire : Rentrez la tête. Il faisait, comme on voit, de rapides progrès dans l’italien.

Il obéit, non sans inquiétude ; et comme cette inquiétude augmentait de minute en minute, au bout de quelques instants son esprit, au lieu du vide que nous avons signalé au moment où il se mettait en route, et qui avait amené le sommeil, son esprit, disons-nous, se trouva rempli de quantité de pensées plus propres les unes que les autres à tenir éveillé l’intérêt d’un voyageur, et surtout d’un voyageur dans la situation de Danglars.

Ses yeux prirent dans les ténèbres ce degré de finesse