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— Mais vous allez rester sans lumière.

— J’y vois la nuit.

— Tiens, c’est comme lui.

— Qui, lui ?

— Le numéro 34. On dit qu’il s’était tellement habitué à l’obscurité, qu’il eût vu une épingle dans le coin le plus obscur de son cachot.

— Il lui a fallu dix ans pour en arriver là, murmura le comte.

Le guide s’éloigna emportant la torche.

Le comte avait dit vrai : à peine fut-il depuis quelques secondes dans l’obscurité, qu’il distingua tout comme en plein jour.

Alors il regarda tout autour de lui, alors il reconnut bien réellement son cachot.

— Oui, dit-il, voilà la pierre sur laquelle je m’asseyais ! voilà la trace de mes épaules qui ont creusé leur empreinte dans la muraille ! voilà la trace du sang qui a coulé de mon front, un jour que j’ai voulu me briser le front contre la muraille… Oh ! ces chiffres… je me les rappelle… je les fis un jour que je calculais l’âge de mon père pour savoir si je le retrouverais vivant, et l’âge de Mercédès pour savoir si je la retrouverais libre… J’eus un instant d’espoir après avoir achevé ce calcul… Je comptais sans la faim et sans l’infidélité !

Et un rire amer s’échappa de la bouche du comte. Il venait de voir, comme dans un rêve, son père conduit à la tombe… Mercédès marchant à l’autel !

Sur l’autre paroi de la muraille, une inscription frappa sa vue. Elle se détachait, blanche encore, sur le mur verdâtre :

« Mon dieu ! lut Monte-Cristo, conservez-moi la mémoire ! »