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Or, nous sommes forcés d’avouer qu’Andrea aurait pu avoir des remords, mais qu’il n’en avait pas.

Voici quel était le plan d’Andrea, plan qui lui avait donné la meilleure partie de sa sécurité.

Avec le jour il se levait, sortait de l’hôtel après avoir rigoureusement payé ses comptes ; gagnait la forêt, achetait, sous prétexte de faire des études de peinture, l’hospitalité d’un paysan ; se procurait un costume de bûcheron et une cognée, dépouillait l’enveloppe du lion pour prendre celle de l’ouvrier ; puis, les mains terreuses, les cheveux brunis par un peigne de plomb, le teint hâlé par une préparation dont ses anciens camarades lui avaient donné la recette, il gagnait, de forêt en forêt, la frontière la plus prochaine, marchant la nuit, dormant le jour dans les forêts ou dans les carrières, et ne s’approchant des endroits habités que pour acheter de temps en temps un pain.

Une fois la frontière dépassée, Andrea faisait argent de ses diamants, réunissait le prix qu’il en tirait à une dizaine de billets de banque qu’il portait toujours sur lui en cas d’accident, et il se retrouvait encore à la tête d’une cinquantaine de mille livres, ce qui ne semblait pas à sa philosophie un pis-aller par trop rigoureux.

D’ailleurs, il comptait beaucoup sur l’intérêt que les Danglars avaient à éteindre le bruit de leur mésaventure.

Voilà pourquoi, outre la fatigue, Andrea dormit si vite et si bien.

D’ailleurs, pour être réveillé plus matin, Andrea n’avait point fermé ses volets et s’était seulement contenté de pousser les verrous de sa porte et de tenir tout ouvert, sur sa table de nuit, certain couteau fort pointu dont il connaissait la trempe excellente et qui ne le quittait jamais.