Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 6.djvu/113

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Ses yeux se fixèrent effrayés sur ces armes, qu’il désigna à Monte-Cristo en levant lentement le doigt à leur hauteur.

Monte-Cristo inclina la tête.

Emmanuel fit un mouvement vers les pistolets.

— Laissez, dit le comte.

Puis allant à Morrel, il lui prit la main ; les mouvements tumultueux qui avaient un instant secoué le cœur du jeune homme avaient fait place à une stupeur profonde.

Julie remonta, elle tenait à la main la bourse de soie, et deux larmes brillantes et joyeuses roulaient sur ses joues comme deux gouttes de matinale rosée.

— Voici la relique, dit-elle ; ne croyez pas qu’elle me soit moins chère depuis que le sauveur nous a été révélé.

— Mon enfant, répondit Monte-Cristo en rougissant, permettez-moi de reprendre cette bourse ; depuis que vous connaissez les traits de mon visage, je ne veux être rappelé à votre souvenir que par l’affection que je vous prie de m’accorder.

— Oh ! dit Julie en pressant la bourse sur son cœur, non, non, je vous en supplie, car un jour vous pourriez nous quitter ; car un jour malheureusement vous nous quitterez, n’est-ce pas ?

— Vous avez deviné juste, madame, répondit Monte-Cristo en souriant ; dans huit jours, j’aurai quitté ce pays, où tant de gens qui avaient mérité la vengeance du ciel vivaient heureux, tandis que mon père expirait de faim et de douleur.

En annonçant son prochain départ, Monte-Cristo tenait ses yeux fixés sur Morrel, et il remarqua que ces mots, j’aurai quitté ce pays avaient passé sans tirer Morrel de sa léthargie ; il comprit alors que c’était une dernière lutte qu’il lui fallait soutenir avec la douleur de son ami ;