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autour de moi ; la terre est devenue de la cendre, toute voix humaine me déchire.

Quand je dirai :

C’est pitié que de me laisser mourir, car si vous ne me laissez mourir je perdrai la raison, je deviendrai fou.

Voyons, dites, monsieur, quand je dirai cela, quand on verra que je le dis avec les angoisses et les larmes de mon cœur, me répondra-t-on :

« Vous avez tort ? »

M’empêchera-t-on de n’être pas le plus malheureux ?

Dites, monsieur, dites, est-ce vous qui aurez ce courage ?

— Oui, Morrel, fit Monte-Cristo d’une voix dont le calme contrastait étrangement avec l’exaltation du jeune homme ; oui, ce sera moi.

— Vous ! s’écria Morrel avec une expression croissante de colère et de reproches ; vous qui m’avez leurré d’un espoir absurde ; vous qui m’avez retenu, bercé, endormi par de vaines promesses, lorsque j’eusse pu, par quelque coup d’éclat, par quelque résolution extrême, la sauver, ou du moins la voir mourir dans mes bras ; vous qui affectez toutes les ressources de l’intelligence, toutes les puissances de la matière ; vous qui jouez ou plutôt qui faites semblant de jouer le rôle de la Providence, et qui n’avez pas même eu le pouvoir de donner du contre-poison à une jeune fille empoisonnée ! Ah ! en vérité, monsieur, vous me feriez pitié si vous ne me faisiez horreur !

— Morrel…

— Oui, vous m’avez dit de poser le masque ; eh bien ! soyez satisfait, je le pose.

Oui, quand vous m’avez suivi au cimetière, je vous ai encore répondu, car mon cœur est bon ; quand vous êtes entré ici, je vous ai laissé venir jusqu’ici… Mais puisque