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qualité acquise, distinguaient dans cette nuit jusqu’aux plus faibles oscillations des arbres de la cour.

Depuis longtemps la petite lumière de la loge du concierge s’était éteinte.

Il était à présumer que l’attaque, si réellement il y avait une attaque projetée, aurait lieu par l’escalier du rez-de-chaussée et non par une fenêtre. Dans les idées de Monte-Cristo, les malfaiteurs en voulaient à sa vie et non à son argent. C’était donc à sa chambre à coucher qu’ils s’attaqueraient, et ils parviendraient à sa chambre à coucher soit par l’escalier dérobé, soit par la fenêtre du cabinet.

Il plaça Ali devant la porte de l’escalier, et continua de surveiller le cabinet.

Onze heures trois quarts sonnèrent à l’horloge des Invalides ; le vent d’ouest apportait sur ses humides bouffées la lugubre vibration des trois coups.

Comme le dernier coup s’éteignait, le comte crut entendre un léger bruit du côté du cabinet ; ce premier bruit, ou plutôt ce premier grincement, fut suivi d’un second, puis d’un troisième ; au quatrième, le comte savait à quoi s’en tenir. Une main ferme et exercée était occupée à couper les quatre côtés d’une vitre avec un diamant.

Le comte sentit battre plus rapidement son cœur. Si endurcis au danger que soient les hommes, si bien prévenus qu’ils soient du péril, ils comprennent toujours, au frémissement de leur cœur et au frissonnement de leur chair, la différence énorme qui existe entre le rêve et la réalité, entre le projet et l’exécution.

Cependant Monte-Cristo ne fit qu’un signe pour prévenir Ali ; celui-ci, comprenant que le danger était du côté du cabinet, fit un pas pour se rapprocher de son maître.

Monte-Cristo était avide de savoir à quels ennemis et à combien d’ennemis il avait affaire.