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dans une chambre voisine ; mais presque aussitôt il rentra chez Noirtier pour prendre le reste de la limonade.

Noirtier fermait l’œil droit.

— Valentine, n’est-ce pas ? vous voulez Valentine ? Je vais dire qu’on vous l’envoie.

Villefort remontait ; d’Avrigny le rencontra dans le corridor.

— Eh bien ? demanda-t-il.

— Venez, dit d’Avrigny.

Et il l’emmena dans la chambre.

— Toujours évanoui ? demanda le procureur du roi.

— Il est mort.

Villefort recula de trois pas, joignit les mains au-dessus de sa tête, et avec une commisération non équivoque :

— Mort si promptement ! dit-il en regardant le cadavre.

— Oui, bien promptement, n’est-ce pas ? dit d’Avrigny ; mais cela ne doit pas vous étonner : M. et madame de Saint-Méran sont morts tout aussi promptement. Oh ! l’on meurt vite dans votre maison, monsieur de Villefort.

— Quoi ! s’écria le magistrat avec un accent d’horreur et de consternation, vous en revenez à cette terrible idée !

— Toujours, monsieur, toujours ! dit d’Avrigny avec solennité, car elle ne m’a pas quitté un instant ; et pour que vous soyez bien convaincu que je ne me trompe pas cette fois, écoutez bien, monsieur de Villefort.

Villefort tremblait convulsivement.

— Il y a un poison qui tue sans presque laisser de trace. Ce poison, je le connais bien, je l’ai étudié dans tous les accidents qu’il amène, dans tous les phénomènes qu’il produit. Ce poison, je l’ai reconnu tout à l’heure chez le pauvre Barrois, comme je l’avais reconnu chez madame de Saint-Méran. Ce poison, il y a une manière de reconnaître sa présence : il rétablit la couleur bleue