— Mais vous, Mademoiselle, dit Morrel, vous qui êtes si chère et si nécessaire à M. Noirtier ?
— Moi, reprit la jeune fille, je ne quitterai point mon grand-père, c’est chose convenue entre lui et moi. Mon appartement sera près du sien. Ou j’aurai le consentement de M. de Villefort pour aller habiter avec papa Noirtier, ou on me le refusera : dans le premier cas, je pars dès à présent ; dans le second, j’attends ma majorité, qui arrive dans dix mois. Alors je serai libre, j’aurai une fortune indépendante, et…
— Et ?… demanda Morrel.
— Et, avec l’autorisation de bon-papa, je tiendrai la promesse que je vous ai faite.
Valentine prononça ses derniers mots si bas, que Morrel n’eût pu les entendre sans l’intérêt qu’il avait à les dévorer.
— N’est-ce point votre pensée que j’ai exprimée là, bon-papa ? ajouta Valentine en s’adressant à Noirtier.
— Oui, fit le vieillard.
— Une fois chez mon grand-père, ajouta Valentine, M. Morrel pourra me venir voir en présence de ce bon et digne protecteur. Si ce lien que nos cœurs, peut-être ignorants ou capricieux, avaient commencé de former, paraît convenable et offre des garanties de bonheur futur à notre expérience (hélas ! dit-on, les cœurs enflammés par les obstacles se refroidissent dans la sécurité !) alors M. Morrel pourra me demander à moi-même, je l’attendrai.
— Oh ! s’écria Morrel, tenté de s’agenouiller devant le vieillard comme devant Dieu, devant Valentine comme devant un ange ; oh ! qu’ai-je donc fait de bien dans ma vie pour mériter tant de bonheur ?
— Jusque-là, continua la jeune fille de sa voix pure et