Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 5.djvu/147

Cette page a été validée par deux contributeurs.

crouler l’accusation ; beaucoup aussi disaient que le comte ne se présenterait pas ; il y en avait qui assuraient l’avoir vu partir pour Bruxelles, et quelques-uns allèrent à la police demander s’il était vrai, comme on le disait, que le comte eût pris ses passeports.

— Je vous avouerai que je fis tout au monde, continua Beauchamp, pour obtenir d’un des membres de la commission, jeune pair de mes amis, d’être introduit dans une sorte de tribune. À sept heures il vint me prendre, et avant que personne ne fût arrivé, me recommanda à un huissier qui m’enferma dans une espèce de loge. J’étais masqué par une colonne et perdu dans une obscurité complète ; je pus espérer que je verrais et que j’entendrais d’un bout à l’autre la terrible scène qui allait se dérouler.

À huit heures précises tout le monde était arrivé.

M. de Morcerf entra sur le dernier coup de huit heures. Il tenait à la main quelques papiers, et sa contenance semblait calme : contre son habitude, sa démarche était simple, sa mise recherchée et sévère ; et, selon l’habitude des anciens militaires, il portait son habit boutonné depuis le bas jusqu’en haut.

Sa présence produisit le meilleur effet : la commission était loin d’être malveillante, et plusieurs de ses membres vinrent au comte et lui donnèrent la main.

Albert sentit que son cœur se brisait à tous ces détails, et cependant au milieu de sa douleur se glissait un sentiment de reconnaissance ; il eût voulu pouvoir embrasser ces hommes qui avaient donné à son père cette marque d’estime dans un si grand embarras de son honneur.

En ce moment un huissier entra et remit une lettre au président.

— Vous avez la parole, monsieur de Morcerf, dit le président tout en décachetant la lettre.