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au journal. Quoique professant des sentiments politiques complètement opposés à ceux du gérant du journal accusateur, Beauchamp, ce qui arrive quelquefois, et nous dirons même souvent, était son intime ami.

Lorsqu’il arriva chez lui, le gérant tenait son propre journal et paraissait se complaire dans un premier-Paris sur le sucre de betterave, qui, probablement, était de sa façon.

— Ah ! pardieu ! dit Beauchamp, puisque vous tenez votre journal, mon cher, je n’ai pas besoin de vous dire ce qui m’amène.

— Seriez-vous par hasard partisan de la canne à sucre ? demanda le gérant du journal ministériel.

— Non, répondit Beauchamp, je suis même parfaitement étranger à la question ; aussi viens-je pour autre chose.

— Et pourquoi venez-vous ?

— Pour l’article Morcerf.

— Ah ! oui, vraiment : n’est-ce pas que c’est curieux ?

— Si curieux que vous risquez la diffamation, ce me semble, et que vous risquez un procès fort chanceux.

— Pas du tout ; nous avons reçu avec la note toutes les pièces à l’appui, et nous sommes parfaitement convaincus que M. de Morcerf se tiendra tranquille ; d’ailleurs, c’est un service à rendre au pays que de lui dénoncer les misérables indignes de l’honneur qu’on leur fait.

Beauchamp demeura interdit.

— Mais qui donc vous a si bien renseigné ? demanda-t-il ; car mon journal, qui avait donné l’éveil, a été forcé de s’abstenir faute de preuves, et cependant nous sommes plus intéressés que vous à dévoiler M. de Morcerf, puisqu’il est pair de France, et que nous faisons de l’opposition.