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qu’elle regardait déjà comme indissoluble, avait demandé à se retirer chez elle pour se remettre, et Noirtier lui avait, de l’œil accordé la permission qu’elle sollicitait.

Mais, au lieu de remonter chez elle, Valentine, une fois sortie, prit le corridor, et, sortant par la petite porte, s’élança dans le jardin. Au milieu de tous les événements qui venaient de s’entasser les uns sur les autres, une terreur sourde avait constamment comprimé son cœur. Elle s’attendait d’un moment à l’autre à voir apparaître Morrel pâle et menaçant comme le laird de Ravenswood au contrat de Lucie de Lammermoor.

En effet, il était temps qu’elle arrivât à la grille. Maximilien, qui s’était douté de ce qui allait se passer en voyant Franz quitter le cimetière avec M. de Villefort, l’avait suivi ; puis, après l’avoir vu entrer, l’avait vu sortir encore et rentrer de nouveau avec Albert et Château-Renaud. Pour lui, il n’y avait donc plus de doute. Il s’était alors jeté dans son enclos, prêt à tout événement, et bien certain qu’au premier moment de liberté qu’elle pourrait saisir, Valentine accourrait à lui.

Il ne s’était pas trompé ; son œil, collé aux planches, vit en effet apparaître la jeune fille, qui, sans prendre aucune des précautions d’usage, accourait à la grille. Au premier coup d’œil qu’il jeta sur elle, Maximilien fut rassuré ; au premier mot qu’elle prononça, il bondit de joie.

— Sauvés ! dit Valentine.

— Sauvés ! répéta Morrel, ne pouvant croire à un pareil bonheur ; mais par qui sauvés ?

— Par mon grand-père. Oh ! aimez-le bien, Morrel.

Morrel jura d’aimer le vieillard de toute son âme ; et ce serment ne lui coûtait point à faire ; car, dans ce moment, il ne se contentait pas de l’aimer comme un ami ou comme un père, il l’adorait comme un dieu.