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V

LES FANTÔMES.

À la première vue, et examinée du dehors, la maison d’Auteuil n’avait rien de splendide, rien de ce qu’on pouvait attendre d’une habitation destinée au magnifique comte de Monte-Cristo : mais cette simplicité tenait à la volonté du maître, qui avait positivement ordonné que rien ne fût changé à l’extérieur ; il n’était besoin pour s’en convaincre que de considérer l’intérieur. En effet, à peine la porte était-elle ouverte que le spectacle changeait.

M. Bertuccio s’était surpassé lui-même pour le goût des ameublements et la rapidité de l’exécution : comme autrefois le duc d’Antin avait fait abattre en une nuit une allée d’arbres qui gênait le regard de Louis XIV, de même en trois jours M. Bertuccio avait fait planter une cour entièrement nue, et de beaux peupliers, des sycomores venus avec leurs blocs énormes de racines, ombrageaient la façade principale de la maison, devant laquelle, au lieu de pavés à moitié cachés par l’herbe, s’étendait une pelouse de gazon, dont les plaques avaient été posées le matin même, et qui formait un vaste tapis où perlait encore l’eau dont on l’avait arrosé.

Au reste, les ordres venaient du comte ; lui-même avait remis à Bertuccio un plan où était indiqué le nombre et la place des arbres qui devaient être plantés, la forme et l’espace de la pelouse qui devait succéder aux pavés.

Vue ainsi, la maison était devenue méconnaissable, et Bertuccio lui-même protestait qu’il ne la reconnaissait plus, emboîtée qu’elle était dans son cadre de verdure.