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dier ou non, vous en conviendrez, ma mère, puisque vous l’avez vu, M. le comte de Monte-Cristo est un homme remarquable et qui aura les plus grands succès dans les salons de Paris. Et tenez, ce matin même, chez moi, il a commencé son entrée dans le monde en frappant de stupéfaction jusqu’à Château-Renaud.

— Et quel âge peut avoir le comte ? demanda Mercédès, attachant visiblement une grande importance à cette question.

— Il a trente-cinq à trente-six ans, ma mère.

— Si jeune ! c’est impossible, dit Mercédès répondant en même temps à ce que lui disait Albert et à ce que lui disait sa propre pensée.

— C’est la vérité, cependant. Trois ou quatre fois il m’a dit, et certes sans préméditation, à telle époque cinq ans, à telle autre j’avais dix ans, à telle douze ; moi, que la curiosité tenait éveillé sur ces détails, je rapprochais les dates, et jamais je ne l’ai trouvé en défaut. L’âge de cet homme singulier, qui n’a pas d’âge, est donc, j’en suis sûr, de trente-cinq ans. Au surplus, rappelez-vous, ma mère, combien son œil est vif, combien ses cheveux sont noirs et combien son front, quoique pâle, est exempt de rides ; c’est une nature non seulement vigoureuse, mais encore jeune.

La comtesse baissa la tête comme sous un flot trop lourd d’arrières pensées.

— Et cet homme s’est pris d’amitié pour vous, demanda-t-elle avec un frissonnement nerveux.

— Je le crois, madame.

— Et vous… l’aimez-vous aussi ?

— Il me plaît, madame, quoi qu’en dise Franz d’Épinay, qui voulait le faire passer à mes yeux pour un homme revenant de l’autre monde.