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héritier, un service qui sollicitera éternellement notre reconnaissance.

Et en disant ces paroles le comte de Morcerf indiquait un fauteuil à Monte-Cristo, en même temps que lui-même s’asseyait en face de la fenêtre.

Quant à Monte-Cristo, tout en prenant le fauteuil désigné par le comte de Morcerf, il s’arrangea de manière à demeurer caché dans l’ombre des grands rideaux de velours, et à lire de là sur les traits empreints de fatigue et de soucis du comte toute une histoire de secrètes douleurs écrites dans chacune de ses rides venues avec le temps.

— Madame la comtesse, dit Morcerf, était à sa toilette lorsque le vicomte l’a fait prévenir de la visite qu’elle allait avoir le bonheur de recevoir ; elle va descendre, et dans dix minutes elle sera au salon.

— C’est beaucoup d’honneur pour moi, dit Monte-Cristo, d’être ainsi, dès le jour de mon arrivée à Paris, mis en rapport avec un homme dont le mérite égale la réputation, et pour lequel la fortune, juste une fois, n’a pas fait d’erreur ; mais n’a-t-elle pas encore, dans les plaines de la Mitidja ou dans les montagnes de l’Atlas, un bâton de maréchal à vous offrir ?

— Oh ! répliqua Morcerf en rougissant un peu, j’ai quitté le service, monsieur. Nommé pair sous la Restauration, j’étais de la première campagne, et je servais sous les ordres du maréchal de Bourmont ; je pouvais donc prétendre à un commandement supérieur, et qui sait ce qui fût arrivé si la branche aînée fût restée sur le trône ! Mais la révolution de Juillet était, à ce qu’il paraît, assez glorieuse pour se permettre d’être ingrate ; elle le fut pour tout service qui ne datait pas de la période impériale ; je donnai donc ma démission, car,