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À ce nom le comte, qui avait jusque-là salué courtoisement, mais avec une froideur et une impassibilité tout anglaise, fit malgré lui un pas en avant, et un léger ton de vermillon passa comme l’éclair sur ses joues pâles.

— Monsieur porte l’uniforme des nouveaux vainqueurs français, dit-il ; c’est un bel uniforme.

On n’eût pas pu dire quel était le sentiment qui donnait à la voix du comte une si profonde vibration, et qui faisait briller, comme malgré lui, son œil si beau, si calme et si limpide, quand il n’avait point un motif quelconque pour le voiler.

— Vous n’aviez jamais vu nos Africains, monsieur ? dit Albert.

— Jamais, répliqua le comte, redevenu parfaitement libre de lui.

— Eh bien ! Monsieur, sous cet uniforme bat un des cœurs les plus braves et les plus nobles de l’armée.

— Oh ! monsieur le comte, interrompit Morrel.

— Laissez-moi dire, capitaine… Et nous venons, continua Albert, d’apprendre de monsieur un fait si héroïque, que, quoique je l’aie vu aujourd’hui pour la première fois, je réclame de lui la faveur de vous le présenter comme mon ami.

Et l’on put encore, à ces paroles, remarquer chez Monte-Cristo ce regard étrange de fixité, cette rougeur fugitive et ce léger tremblement de la paupière qui, chez lui, décelaient l’émotion.

— Ah ! Monsieur est un noble cœur, dit le comte, tant mieux !

Cette espèce d’exclamation, qui répondait à la propre pensée du comte plutôt qu’à ce que venait de dire Albert, surprit tout le monde et surtout Morrel, qui regarda