vu chez un marchand de chevaux ce magnifique Médéah, je le nomme ainsi. Je demandai quel était son prix : on me répondit quatre mille cinq cents francs ; je dus m’abstenir, comme vous le comprenez bien, de le trouver beau plus longtemps, et je partis, je l’avoue, le cœur assez gros, car le cheval m’avait tendrement regardé, m’avait caressé avec sa tête et avait caracolé sous moi de la façon la plus coquette et la plus charmante. Le même soir j’avais quelques amis à la maison : M. de Château-Renaud, M. Debray et cinq ou six autres mauvais sujets que vous avez le bonheur de ne pas connaître, même de nom. On proposa une bouillotte ; je ne joue jamais, car je ne suis pas assez riche pour pouvoir perdre, ni assez pauvre pour désirer gagner. Mais j’étais chez moi, vous comprenez, je n’avais autre chose à faire que d’envoyer chercher des cartes, et c’est ce que je fis.
Comme on se mettait à table, M. de Monte-Cristo arriva. Il prit sa place, on joua, et, moi, je gagnai ; j’ose à peine vous avouer cela, Valentine, je gagnai cinq mille francs. Nous nous quittâmes à minuit. Je n’y pus tenir, je pris un cabriolet et me fis conduire chez mon marchand de chevaux. Tout palpitant, tout fiévreux, je sonnai ; celui qui vint m’ouvrir dut me prendre pour un fou. Je m’élançai de l’autre côté de la porte à peine ouverte. J’entrai dans l’écurie, je regardai au râtelier. Ô bonheur ! Médéah grignotait son foin. Je saute sur une selle ; je la lui applique moi-même sur le dos, je lui passe la bride, Médéah se prête de la meilleure grâce du monde à cette opération ! Puis, déposant les quatre mille cinq cents francs entre les mains du marchand stupéfait, je reviens ou plutôt je passe la nuit à me promener dans les Champs-Élysées. Eh bien, j’ai vu de la lumière à la fenêtre du comte, il m’a semblé apercevoir son ombre