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— Oh ! ne vous pressez pas, Maximilien, dit Valentine avec un triste sourire.

— Enfin, si elle est antipathique à ce mariage, ne fût-ce que pour le rompre, peut-être ouvrirait-elle l’oreille à quelque autre proposition.

— Ne croyez point cela, Maximilien ; ce ne sont point les maris que madame de Villefort repousse, c’est le mariage.

— Comment ? le mariage ! Si elle déteste si fort le mariage, pourquoi s’est-elle mariée elle-même ?

— Vous ne me comprenez pas, Maximilien ; ainsi, lorsqu’il y a un an j’ai parlé de me retirer dans un couvent, elle avait, malgré les observations qu’elle avait cru devoir faire, adopté ma proposition avec joie ; mon père même y avait consenti, à son instigation, j’en suis sûre ; il n’y eut que mon pauvre grand-père qui m’a retenue. Vous ne pouvez vous figurer, Maximilien, quelle expression il y a dans les yeux de ce pauvre vieillard, qui n’aime que moi au monde, et qui, Dieu me pardonne si c’est un blasphème, et qui n’est aimé au monde que de moi. Si vous saviez, quand il a appris ma résolution, comme il m’a regardée, ce qu’il y avait de reproche dans ce regard et de désespoir dans ces larmes qui roulaient sans plaintes, sans soupirs, le long de ses joues immobiles ! Ah ! Maximilien, j’ai éprouvé quelque chose comme un remords ; je me suis jetée à ses pieds en lui criant : Pardon ! pardon ! mon père ! on fera de moi ce qu’on voudra, mais je ne vous quitterai jamais. Alors il leva les yeux au ciel ! Maximilien, je puis souffrir beaucoup ; ce regard de mon vieux grand-père m’a payée d’avance pour ce que je souffrirai.

— Chère Valentine ! vous êtes un ange, et je ne sais vraiment pas comment j’ai mérité, en sabrant à droite et