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eu une substance vénéneuse quelconque mêlée à cette eau.

— Vous ne connaissez pas d’autre contre-poison ?

— Je n’en connais pas.

— J’avais souvent lu et relu cette histoire de Mithridate, dit madame de Villefort pensive, et je l’avais prise pour une fable.

— Non, madame ; contre l’habitude de l’histoire, c’est une vérité. Mais ce que vous me dites là, ce que vous me demandez n’est point le résultat d’une question capricieuse, puisqu’il y a deux ans déjà vous m’avez fait des questions pareilles, et que vous me dites que depuis longtemps cette histoire de Mithridate vous préoccupait.

— C’est vrai, monsieur, les deux études favorites de ma jeunesse ont été la botanique et la minéralogie, et puis, quand j’ai su plus tard que l’emploi des simples expliquait souvent toute l’histoire des peuples et toute la vie des individus d’Orient, comme les fleurs expliquent toute leur pensée amoureuse, j’ai regretté de n’être pas homme pour devenir un Flamel, un Fontana ou un Cabanis.

— D’autant plus, madame, reprit Monte-Cristo, que les Orientaux ne se bornent point, comme Mithridate, à se faire des poisons une cuirasse, ils s’en font aussi un poignard ; la science devient entre leurs mains non seulement une arme défensive, mais encore fort souvent offensive ; l’une sert contre les souffrances physiques, l’autre contre leurs ennemis ; avec l’opium, avec la belladone, avec la fausse augusture, le bois de couleuvre, le laurier-cerise, ils endorment ceux qui voudraient les réveiller. Il n’est pas une de ces femmes, égyptienne, turque ou grecque qu’ici vous appelez de bonnes femmes,