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mais en amateur seulement… vous comprenez.

En ce moment six heures sonnèrent.

— Voilà six heures, dit madame de Villefort, visiblement agitée ; n’allez-vous pas voir, Valentine, si votre grand-père est prêt à dîner ?

Valentine se leva, et, saluant le comte, elle sortit de la chambre sans prononcer un mot.

— Oh ! mon Dieu, madame, serait-ce donc à cause de moi que vous congédiez mademoiselle de Villefort ? dit le comte lorsque Valentine fut partie.

— Pas le moins du monde, reprit vivement la jeune femme ; mais c’est l’heure à laquelle nous faisons faire à M. Noirtier le triste repas qui soutient sa triste existence. Vous savez, monsieur, dans quel état lamentable est le père de mon mari ?

— Oui, madame, M. de Villefort m’en a parlé ; une paralysie, je crois.

— Hélas ! oui ; il y a chez ce pauvre vieillard absence complète du mouvement, l’âme seule veille dans cette machine humaine, et encore pâle et tremblante, et comme une lampe prête à s’éteindre. Mais pardon, monsieur, de vous entretenir de nos infortunes domestiques, je vous ai interrompu au moment où vous me disiez que vous étiez un habile chimiste.

— Oh ! je ne disais pas cela, madame, répondit le comte avec un sourire ; bien au contraire, j’ai étudié la chimie parce que, décidé à vivre particulièrement en Orient, j’ai voulu suivre l’exemple du roi Mithridate.

Mithridates, rex Ponticus, dit l’étourdi en découpant des silhouettes dans un magnifique album ; le même qui déjeunait tous les matins avec une tasse de poison à la crème.

— Édouard ! méchant enfant ! s’écria madame de Villefort en arrachant le livre mutilé des mains de son fils,