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— Vous, Madame, vous demeurâtes sous le berceau de vigne ; ne vous souvient-il plus, pendant que vous étiez assise sur un banc de pierre et pendant que, comme je vous l’ai dit, mademoiselle de Villefort et monsieur votre fils étaient absents, d’avoir causé assez longtemps avec quelqu’un ?

— Oui vraiment, oui, dit la jeune femme en rougissant, je m’en souviens, avec un homme enveloppé d’un long manteau de laine… avec un médecin, je crois.

— Justement, madame ; cet homme, c’était moi ; depuis quinze jours j’habitais dans cette hôtellerie, j’avais guéri mon valet de chambre de la fièvre et mon hôte de la jaunisse, de sorte que l’on me regardait comme un grand docteur. Nous causâmes longtemps, madame, de choses différentes, du Pérugin, de Raphaël, des mœurs, des costumes, de cette fameuse aqua-tofana, dont quelques personnes, vous avait-on dit, je crois, conservaient encore le secret à Pérouse.

— Ah ! c’est vrai, dit vivement madame de Villefort avec une certaine inquiétude, je me rappelle.

— Je ne sais plus ce que vous me dîtes en détail, Madame, reprit le comte avec une parfaite tranquillité, mais je me souviens parfaitement que, partageant à mon sujet l’erreur générale, vous me consultâtes sur la santé de mademoiselle de Villefort.

— Mais cependant, monsieur, vous étiez bien réellement médecin, dit madame de Villefort, puisque vous avez guéri des malades.

— Molière ou Beaumarchais vous répondraient, madame, que c’est justement parce que je ne l’étais pas que j’ai, non point guéri mes malades, mais que mes malades ont guéri ; moi, je me contenterai de vous dire que j’ai assez étudié à fond la chimie et les sciences naturelles,