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deux personnes, et l’on se mettra à table aussitôt qu’elles seront arrivées.

— Et quelles sortes de personnes attendez-vous à déjeuner ? dit Beauchamp.

— Un gentilhomme et un diplomate, reprit Albert.

— Alors c’est l’affaire de deux petites heures pour le gentilhomme et de deux grandes heures pour le diplomate. Je reviendrai au dessert. Gardez-moi des fraises, du café et des cigares. Je mangerai une côtelette à la Chambre.

— N’en faites rien, Beauchamp, car le gentilhomme fût-il un Montmorency, et le diplomate un Metternich, nous déjeunerons à dix heures et demie précises ; en attendant faites comme Debray, goûtez mon xérès et mes biscuits.

— Allons donc, soit, je reste. Il faut absolument que je me distraie ce matin.

— Bon, vous voilà comme Debray ! Il me semble cependant que lorsque le ministère est triste l’opposition doit être gaie.

— Ah ! voyez-vous, cher ami, c’est que vous ne savez point ce qui me menace. J’entendrai ce matin un discours de M. Danglars à la Chambre des députés, et ce soir, chez sa femme, une tragédie d’un pair de France. Le diable emporte le gouvernement constitutionnel ! Et puisque nous avions le choix, à ce qu’on dit, comment avons-nous choisi celui-là ?

— Je comprends ; vous avez besoin de faire provision d’hilarité.

— Ne dites donc pas de mal des discours de M. Danglars, dit Debray : il vote pour vous, il fait de l’opposition.

— Voilà, pardieu, bien le mal ! aussi j’attends que vous l’envoyiez discourir au Luxembourg pour en rire tout à mon aise.