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— Eh bien ?

— Eh bien, cela me semble étrange de mêler à ce que nous disions une question d’argent, eh bien, mon ami, je crois que sa haine vient de là du moins. Comme elle n’a pas de fortune de son côté, que moi je suis déjà riche du chef de ma mère, et que cette fortune sera encore plus que doublée par celle de M. et de Mme de Saint-Méran, qui doit me revenir un jour, eh bien, je crois qu’elle est envieuse. Oh ! mon Dieu ! Si je pouvais lui donner la moitié de cette fortune et me retrouver chez M. de Villefort comme une fille dans la maison de son père, certes je le ferais à l’instant même.

— Pauvre Valentine !

— Oui, je me sens enchaînée, et en même temps je me sens si faible, qu’il me semble que ces liens me soutiennent, et que j’ai peur de les rompre. D’ailleurs, mon père n’est pas un homme dont on puisse enfreindre impunément les ordres : il est puissant contre moi, il le serait contre vous, il le serait contre le roi lui-même, protégé qu’il est par un irréprochable passé et par une position presque inattaquable. Oh ! Maximilien ! Je vous le jure, je ne lutte pas, parce que c’est vous autant que moi que je crains de briser dans cette lutte.

— Mais enfin, Valentine, reprit Maximilien, pourquoi désespérer ainsi, et voir l’avenir toujours sombre ?

— Ah ! mon ami, parce que je le juge par le passé.

— Voyons cependant, si je ne suis pas un parti illustre au point de vue aristocratique, je tiens cependant, par beaucoup de points, au monde dans lequel vous vivez ; le temps où il y avait deux France dans la France n’existe plus ; les plus hautes familles de la monarchie se sont fondues dans les familles de l’Empire : l’aristocratie de la lance a épousé la noblesse du canon. Eh bien ! moi,