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d’autres arbres luxuriants et fleuris de glisser dans leurs intervalles leurs branches avides d’air. À un angle où le feuillage devient tellement touffu qu’à peine si la lumière y pénètre, un large banc de pierre et des sièges de jardin indiquent un lieu de réunion ou une retraite favorite à quelque habitant de l’hôtel situé à cent pas, et que l’on aperçoit à peine à travers le rempart de verdure qui l’enveloppe. Enfin, le choix de cet asile mystérieux est à la fois justifié par l’absence du soleil, par la fraîcheur éternelle, même pendant les jours les plus brûlants de l’été, par le gazouillement des oiseaux et par l’éloignement de la maison et de la rue, c’est-à-dire des affaires et du bruit.

Vers le soir d’une des plus chaudes journées que le printemps eût encore accordées aux habitants de Paris, il y avait sur ce banc de pierre un livre, une ombrelle, un panier à ouvrage et un mouchoir de batiste dont la broderie était commencée ; et non loin de ce banc, près de la grille, debout devant les planches, l’œil appliqué à la cloison à claire-voie, une jeune femme, dont le regard plongeait par une fente dans le jardin désert que nous connaissons.

Presque au même moment, la petite porte de ce terrain se refermait sans bruit, et un jeune homme, grand, vigoureux, vêtu d’une blouse de toile écrue, d’une casquette de velours, mais dont les moustaches, la barbe et les cheveux noirs extrêmement soignés juraient quelque peu avec ce costume populaire, après un rapide coup d’œil jeté autour de lui pour s’assurer que personne ne l’épiait, passant par cette porte, qu’il referma derrière lui, se dirigeait d’un pas précipité vers la grille.

À la vue de celui qu’elle attendait, mais non pas probablement sous ce costume, la jeune fille eut peur et se rejeta en arrière.