Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 3.djvu/20

Cette page a été validée par deux contributeurs.

que vous êtes heureux de n’avoir rien à faire ! en vérité, vous ne connaissez pas votre bonheur !

— Et que feriez-vous donc, mon cher pacificateur de royaumes, reprit Morcerf avec une légère ironie, si vous ne faisiez rien ? Comment ! secrétaire particulier d’un ministre, lancé à la fois dans la grande cabale européenne et dans les petites intrigues de Paris ; ayant des rois, et, mieux que cela, des reines à protéger, des partis à réunir, des élections à diriger ; faisant plus de votre cabinet avec votre plume et votre télégraphe, que Napoléon ne faisait de ses champs de bataille avec son épée et ses victoires ; possédant vingt-cinq mille livres de rente en dehors de votre place ; un cheval dont Château-Renaud vous a offert quatre cents louis, et que vous n’avez pas voulu donner ; un tailleur qui ne vous manque jamais un pantalon ; ayant l’Opéra, le Jockey-Club et le théâtre des Variétés, vous ne trouvez pas dans tout cela de quoi vous distraire ? Eh bien, soit, je vous distrairai, moi.

— Comment cela ?

— En vous faisant faire une connaissance nouvelle.

— En homme ou en femme ?

— En homme.

— Oh ! j’en connais déjà beaucoup !

— Mais vous n’en connaissez pas comme celui dont je vous parle.

— D’où vient-il donc ? du bout du monde ?

— De plus loin peut-être.

— Ah diable ! j’espère qu’il n’apporte pas notre déjeuner ?

— Non, soyez tranquille, notre déjeuner se confectionne dans les cuisines maternelles. Mais vous avez donc faim ?