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Je courus à la chandelle, et je m’élançai dans escalier ; un corps le barrait en travers, c’était le cadavre de la Carconte.

Le coup de pistolet que j’avais entendu avait été tiré sur elle : elle avait la gorge traversée de part en part, et outre sa double blessure qui coulait à flots, elle vomissait le sang par la bouche.

Elle était tout à fait morte.

J’enjambai par-dessus son corps, et je passai.

La chambre offrait l’aspect du plus affreux désordre. Deux ou trois meubles étaient renversés ; les draps, auxquels le malheureux bijoutier s’était cramponné, traînaient par la chambre : lui-même était couché à terre, la tête appuyée contre le mur, nageant dans une mare de sang qui s’échappait de trois larges blessures reçues dans la poitrine.

Dans la quatrième était resté un long couteau de cuisine, dont on ne voyait que le manche.

Je marchai sur le second pistolet qui n’était point parti, la poudre étant probablement mouillée.

Je m’approchai du bijoutier ; il n’était pas mort effectivement : au bruit que je fis, à l’ébranlement du plancher surtout, il rouvrit des yeux hagards, parvint à les fixer un instant sur moi, remua les lèvres comme s’il voulait parler, et expira.

Cet affreux spectacle m’avait rendu presque insensé ; du moment où je ne pouvais plus porter de secours à personne je n’éprouvais plus qu’un besoin, celui de fuir. Je me précipitai dans l’escalier, en enfonçant mes mains dans mes cheveux et en poussant un rugissement de terreur.

Dans la salle inférieure, il y avait cinq ou six douaniers et deux ou trois gendarmes, toute une troupe armée.