Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 3.djvu/126

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Est-ce que vous avez des voyageurs dans votre auberge ? demanda-t-il.

— Non, répondit Caderousse, nous ne donnions point à coucher ; nous sommes trop près de la ville, et personne ne s’arrête.

— Alors, je vais vous gêner horriblement ?

— Nous gêner, vous ! mon cher monsieur ! dit gracieusement la Carconte, pas du tout, je vous jure.

— Voyons, où me mettez-vous ?

— Dans la chambre là-haut.

— Mais n’est-ce pas votre chambre ?

— Oh ! n’importe ; nous avons un second lit dans la pièce à côté de celle-ci.

Caderousse regarda avec étonnement sa femme.

Le bijoutier chantonna un petit air en se chauffant le dos à un fagot que la Carconte venait d’allumer dans la cheminée pour sécher son hôte.

Pendant ce temps, elle apportait sur un coin de la table où elle avait étendu une serviette les maigres restes d’un dîner, auxquels elle joignit deux ou trois œufs frais.

Caderousse avait renfermé de nouveau les billets dans son portefeuille, son or dans un sac, et le tout dans son armoire. Il se promenait de long en large, sombre et pensif, levant de temps en temps la tête sur le bijoutier, qui se tenait tout fumant devant l’âtre, et qui, à mesure qu’il se séchait d’un côté, se tournait de l’autre.

— Là, dit la Carconte en posant une bouteille de vin sur la table, quand vous voudrez souper tout est prêt.

— Et vous ? demanda Joannès.

— Moi, je ne souperai pas, répondit Caderousse.

— Nous avons dîné très tard, se hâta de dire la Carconte.

— Je vais donc souper seul ? fit le bijoutier.

— Nous vous servirons, répondit la Carconte avec un