Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 3.djvu/113

Cette page a été validée par deux contributeurs.

à chaque instant, surtout dans ce moment-là, des compagnies entières rôdaient sur les bords du Rhône ; mais c’étaient les précautions qu’au dire de l’enfant cette escouade prenait pour ne pas être vue. En un instant nous fûmes sur pied, mais il était déjà trop tard ; notre barque, évidemment l’objet des recherches, était entourée. Parmi les douaniers, je remarquai quelques gendarmes ; et, aussi timide à la vue de ceux-ci que j’étais brave ordinairement à la vue de tout autre corps militaire, je descendis dans la cale, et, me glissant par un sabord, je me laissai couler dans le fleuve, puis je nageai entre deux eaux, ne respirant qu’à de longs intervalles, si bien que je gagnai sans être vu une tranchée que l’on venait de faire, et qui communiquait du Rhône au canal qui se rend de Beaucaire à Aigues-Mortes. Une fois arrivé là, j’étais sauvé, car je pouvais suivre sans être vu cette tranchée. Je gagnai donc le canal sans accident. Ce n’était pas par hasard et sans préméditation que j’avais suivi ce chemin ; j’ai déjà parlé à Votre Excellence d’un aubergiste de Nîmes qui avait établi sur la route de Bellegarde à Beaucaire une petite hôtellerie.

— Oui, dit Monte-Cristo, je me souviens parfaitement. Ce digne homme, si je ne me trompe, était même votre associé ?

— C’est cela, répondit Bertuccio ; mais depuis sept ou huit ans, il avait cédé son établissement à un ancien tailleur de Marseille qui, après s’être ruiné dans son état, avait voulu essayer de faire sa fortune dans un autre. Il va sans dire que les petits arrangements que nous avions faits avec le premier propriétaire furent maintenus avec le second ; c’était donc à cet homme que je comptais demander asile.

— Et comment se nommait cet homme ? demanda le