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mentit pas pour Benedetto, et dès sa jeunesse il se montra tout mauvais. Il est vrai aussi que la douceur de sa mère encouragea ses premiers penchants ; l’enfant, pour qui ma pauvre sœur allait au marché de la ville, située à quatre ou cinq lieues de là, acheter les premiers fruits et les sucreries les plus délicates, préférait aux oranges de Palma et aux conserves de Gênes les châtaignes volées au voisin en franchissant les haies, ou les pommes séchées dans son grenier, tandis qu’il avait à sa disposition les châtaignes et les pommes de notre verger.

Un jour, Benedetto pouvait avoir cinq ou six ans, le voisin Wasilio, qui, selon les habitudes de notre pays, n’enfermait ni sa bourse ni ses bijoux, car, monsieur le comte le sait aussi bien que personne, en Corse il n’y a pas de voleurs, le voisin Wasilio se plaignit à nous qu’un louis avait disparu de sa bourse ; on crut qu’il avait mal compté, mais lui prétendait être sûr de son fait. Ce jour-là Benedetto avait quitté la maison dès le matin, et c’était une grande inquiétude chez nous, lorsque le soir nous le vîmes revenir traînant un singe qu’il avait trouvé, disait-il, tout enchaîné au pied d’un arbre.

Depuis un mois la passion du méchant enfant, qui ne savait quelle chose s’imaginer, était d’avoir un singe. Un bateleur qui était passé à Rogliano, et qui avait plusieurs de ces animaux dont les exercices l’avaient fort réjoui, lui avait inspiré sans doute cette malheureuse fantaisie.

— On ne trouve pas de singe dans nos bois, lui dis-je, et surtout de singe enchaîné ; avoue-moi donc comment tu t’es procuré celui-ci.

Benedetto soutint son mensonge, et l’accompagna de détails qui faisaient plus d’honneur à son imagination