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j’aperçus une lueur illuminant les fenêtres de l’escalier dérobé par lequel nous sommes descendus tout à l’heure.

La porte s’ouvrit, et l’homme au manteau reparut.

C’était le moment terrible ; mais depuis si longtemps je m’étais préparé à ce moment, que rien en moi ne faiblit : je tirai mon couteau, je l’ouvris et je me tins prêt.

L’homme au manteau vint droit à moi ; mais à mesure qu’il avançait dans l’espace découvert, je croyais remarquer qu’il tenait une arme de la main droite : j’eus peur, non pas d’une lutte, mais d’un insuccès. Lorsqu’il fut à quelques pas de moi seulement, je reconnus que ce que j’avais pris pour une arme n’était rien autre chose qu’une bêche.

Je n’avais pas encore pu deviner dans quel but M. de Villefort tenait une bêche à la main, lorsqu’il s’arrêta sur la lisière du massif, jeta un regard autour de lui, et se mit à creuser un trou dans la terre. Ce fut alors que je m’aperçus qu’il y avait quelque chose dans son manteau, qu’il venait de déposer sur la pelouse pour être plus libre de ses mouvements.

Alors, je l’avoue, un peu de curiosité se glissa dans ma haine : je voulus voir ce que venait faire là Villefort ; je restai immobile, sans haleine ; j’attendis.

Puis une idée m’était venue, qui se confirma en voyant le procureur du roi tirer de son manteau un petit coffre long de deux pieds et large de six à huit pouces.

Je le laissai déposer le coffre dans le trou, sur lequel il repoussa la terre ; puis, sur cette terre fraîche, il appuya ses pieds pour faire disparaître la trace de l’œuvre nocturne. Je m’élançai alors sur lui et je lui enfonçai mon couteau dans la poitrine en lui disant :

— « Je suis Giovanni Bertuccio ! ta mort pour mon frère,