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de Mercédès, cet autre était absent… était disparu… était mort peut-être. À cette dernière idée, Mercédès éclatait en sanglots et se tordait les bras de douleur ; mais cette idée, qu’elle repoussait autrefois quand elle lui était suggérée par un autre, lui revenait maintenant toute seule à l’esprit ; d’ailleurs, de son côté, le vieux Dantès ne cessait de lui dire : « Notre Edmond est mort, car s’il n’était pas mort il nous reviendrait. »

Le vieillard mourut, comme je vous l’ai dit : s’il eût vécu, peut-être Mercédès ne fût-elle jamais devenue la femme d’un autre ; car il eût été là pour lui reprocher son infidélité. Fernand comprit cela. Quand il connut la mort du vieillard, il revint. Cette fois il était lieutenant. Au premier voyage, il n’avait pas dit à Mercédès un mot d’amour ; au second, il lui rappela qu’il l’aimait.

Mercédès lui demanda six mois encore pour attendre et pleurer Edmond.

— Au fait, dit l’abbé avec un sourire amer, cela faisait dix-huit mois en tout. Que peut demander davantage l’amant le plus adoré ?

Puis il murmura les paroles du poète anglais : Frailty, thy name is woman !

— Six mois après, reprit Caderousse, le mariage eut lieu à l’église des Accoules.

— C’était la même église où elle devait épouser Edmond, murmura le prêtre ; il n’y avait que le fiancé de changé, voilà tout.

— Mercédès se maria donc, continua Caderousse ; mais, quoique aux yeux de tous elle parût calme, elle ne manqua pas moins de s’évanouir en passant devant la Réserve, où dix-huit mois auparavant avaient été célébrées ses fiançailles avec celui qu’elle eût vu qu’elle aimait encore, si elle eût osé regarder au fond de son cœur.