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fixe de l’abbé ne cessa point un instant d’interroger la physionomie mobile de l’aubergiste.

— Et vous l’avez connu, le pauvre petit ? continua Caderousse.

— J’ai été appelé à son lit de mort pour lui offrir les derniers secours de la religion, répondit l’abbé.

— Et de quoi est-il mort ? demanda Caderousse d’une voix étranglée.

— Et de quoi meurt-on en prison quand on y meurt à trente ans, si ce n’est de la prison elle-même ?

Caderousse essuya la sueur qui coulait de son front.

— Ce qu’il y a d’étrange dans tout cela, reprit l’abbé, c’est que Dantès, à son lit de mort, sur le Christ dont il baisait les pieds, m’a toujours juré qu’il ignorait la véritable cause de sa captivité.

— C’est vrai, c’est vrai, murmura Caderousse, il ne pouvait pas le savoir ; non, monsieur l’abbé, il ne mentait pas, le pauvre petit.

— C’est ce qui fait qu’il m’a chargé d’éclaircir son malheur qu’il n’avait jamais pu éclaircir lui-même, et de réhabiliter sa mémoire, si cette mémoire avait reçu quelque souillure.

Et le regard de l’abbé, devenant de plus en plus fixe, dévora l’expression presque sombre qui apparut sur le visage de Caderousse.

— Un riche Anglais, continua l’abbé, son compagnon d’infortune, et qui sortit de prison à la seconde restauration, était possesseur d’un diamant d’une grande valeur. En sortant de prison, il voulut laisser à Dantès, qui, dans une maladie qu’il avait faite, l’avait soigné comme un frère, un témoignage de sa reconnaissance en lui laissant ce diamant. Dantès, au lieu de s’en servir pour séduire ses geôliers, qui d’ailleurs pouvaient le