chaînes de montres, colliers, ceintures aux mille couleurs, corsages brodés, vestes de velours, bas à coins élégants, guêtres bariolées, souliers à boucles d’argent avaient disparu, et Gaspard Caderousse, ne pouvant plus se montrer à la hauteur de sa splendeur passée, avait renoncé pour lui et pour sa femme à toutes ces pompes mondaines, dont il entendait en se rongeant sourdement le cœur les bruits joyeux retentir jusqu’à cette pauvre auberge, qu’il continuait de garder bien plus comme un abri que comme une spéculation.
Caderousse s’était donc tenu, comme c’était son habitude, une partie de la matinée devant la porte, promenant son regard mélancolique d’un petit gazon pelé, où picoraient quelques poules, aux deux extrémités du chemin désert qui s’enfonçait d’un côté au midi et de l’autre au nord, quand tout à coup la voix aigre de sa femme le força de quitter son poste ; il rentra en grommelant et monta au premier, laissant néanmoins la porte toute grande ouverte, comme pour inviter les voyageurs à ne pas l’oublier en passant.
Au moment où Caderousse rentrait, la grande route dont nous avons parlé, et que parcouraient ses regards, était aussi nue et aussi solitaire que le désert à midi ; elle s’étendait, blanche et infinie, entre deux rangées d’arbres maigres, et l’on comprenait parfaitement qu’aucun voyageur, libre de choisir une autre heure du jour, ne se hasardât dans cet effroyable Sahara.
Cependant, malgré toutes les probabilités, s’il fût resté à son poste, Caderousse aurait pu voir poindre, du côté de Bellegarde, un cavalier et un cheval venant de cette allure honnête et amicale qui indique les meilleures relations entre le cheval et le cavalier ; le cheval était un cheval hongre, marchant agréablement l’amble ; le cavalier