ne devait revenir que dans trois semaines ou un mois : le constructeur pensa qu’il aurait le temps d’en remettre un autre sur le chantier. Dantès emmena le constructeur chez un juif, passa avec lui dans l’arrière-boutique, et le juif compta soixante mille francs au constructeur.
Le constructeur offrit à Dantès ses services pour lui composer un équipage ; mais Dantès le remercia en disant qu’il avait l’habitude de naviguer seul, et que la seule chose qu’il désirait était qu’on exécutât dans la cabine, à la tête du lit, une armoire à secret dans laquelle se trouveraient trois compartiments à secret aussi. Il donna la mesure de ces compartiments, qui furent exécutés le lendemain.
Deux heures après Dantès sortait du port de Gênes, escorté par les regards d’une foule de curieux qui voulaient voir le seigneur espagnol qui avait l’habitude de naviguer seul.
Dantès s’en tira à merveille : avec l’aide du gouvernail et sans avoir besoin de le quitter, il fit faire à son bâtiment toutes les évolutions voulues ; on eût dit un être intelligent prêt à obéir à la moindre impulsion donnée, et Dantès convint en lui-même, que les Génois méritaient leur réputation de premiers constructeurs du monde.
Les curieux suivirent le petit bâtiment des yeux jusqu’à ce qu’ils l’eussent perdu de vue, et alors les discussions s’établirent pour savoir où il allait : les uns penchèrent pour la Corse, les autres pour l’île d’Elbe ; ceux-ci offrirent de parier qu’il allait en Espagne, ceux-là soutinrent qu’il allait en Afrique ; nul ne pensa à nommer l’île de Monte-Cristo.
C’était cependant à Monte-Cristo qu’allait Dantès.
Il y arriva vers la fin du second jour ; le navire était excellent voilier et avait parcouru la distance en