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disparu était redevenu la propriété des génies de la terre, auxquels il avait eu un instant l’espoir de l’enlever.

Le jour vint presque aussi fébrile que l’avait été la nuit ; mais il amena la logique à l’aide de l’imagination, et Dantès put arrêter un plan jusqu’alors vague et flottant dans son cerveau.

Le soir vint, et avec le soir les préparatifs du départ. Ces préparatifs étaient un moyen pour Dantès de cacher son agitation. Peu à peu il avait pris cette autorité sur ses compagnons de commander comme s’il était le maître du bâtiment ; et comme ses ordres étaient toujours précis et faciles à exécuter, ses compagnons lui obéissaient non seulement avec promptitude, mais encore avec plaisir.

Le vieux marin le laissait faire : lui aussi avait reconnu la supériorité de Dantès sur ses autres matelots et sur lui-même. Il voyait dans le jeune homme son successeur naturel, et il regrettait de n’avoir pas une fille pour enchaîner Edmond par cette haute alliance.

À sept heures du soir tout fut prêt ; à sept heures dix minutes on doublait le phare juste au moment où le phare s’allumait.

La mer était calme, avec un vent frais venant du sud-est ; on naviguait sous un ciel d’azur où Dieu allumait aussi tour à tour ses phares, dont chacun est un monde. Dantès déclara que tout le monde pouvait se coucher et qu’il se chargeait du gouvernail.

Quand le Maltais (c’est ainsi que l’on appelait Dantès) avait fait une pareille déclaration, cela suffisait, et chacun s’en allait coucher tranquille.

Cela arrivait quelquefois : Dantès, rejeté de la solitude dans le monde, éprouvait de temps en temps d’impérieux besoins de solitude. Or, quelle solitude à la fois plus