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Et il s’en retourna vers ses compagnons.

Le vieillard resta immobile et les yeux fixes. Il sentait que quelque malheur inconnu, immense, inouï, planait sur sa tête.

Enfin il fit quelques pas vers le groupe informe dont il ne pouvait se rendre compte.

Au bruit qu’il faisait en s’avançant vers lui, Carlini releva la tête, et les formes des deux personnages commencèrent à apparaître plus distinctes aux yeux du vieillard.

Une femme était couchée à terre, la tête posée sur les genoux d’un homme assis et qui se tenait penché vers elle ; c’était en se relevant que cet homme avait découvert le visage de la femme qu’il tenait serrée contre sa poitrine.

Le vieillard reconnut sa fille, et Carlini reconnut le vieillard.

— Je t’attendais, dit le bandit au père de Rita.

— Misérable ! dit le vieillard, qu’as-tu fait ?

Et il regardait avec terreur Rita, pâle, immobile, ensanglantée, avec un couteau dans la poitrine.

Un rayon de la lune frappait sur elle et l’éclairait de sa lueur blafarde.

— Cucumetto avait violé ta fille, dit le bandit, et, comme je l’aimais, je l’ai tuée ; car, après lui, elle allait servir de jouet à toute la bande.

Le vieillard ne prononça point une parole, seulement il devint pâle comme un spectre.

— Maintenant, dit Carlini, si j’ai eu tort, venge-la.

Et il arracha le couteau du sein de la jeune fille, et, se levant, il l’alla offrir d’une main au vieillard, tandis que de l’autre il écartait sa veste et lui présentait sa poitrine nue.