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vivent entre la ville et la montagne, entre la vie sauvage et la vie civilisée.

Le jeune berger partit aussitôt, promettant d’être avant une heure à Frosinone.

Carlini revint tout joyeux pour rejoindre sa maîtresse et lui annoncer cette bonne nouvelle.

Il trouva la troupe dans la clairière, où elle soupait joyeusement des provisions que les bandits levaient sur les paysans comme un tribut seulement ; au milieu de ces gais convives il chercha vainement Cucumetto et Rita.

Il demanda où ils étaient ; les bandits répondirent par un grand éclat de rire. Une sueur froide coula sur le front de Carlini, et il sentit l’angoisse qui le prenait aux cheveux.

Il renouvela sa question. Un des convives remplit un verre de vin d’Orvietto et le lui tendit en disant :

— À la santé du brave Cucumetto et de la belle Rita !

En ce moment, Carlini crut entendre un cri de femme. Il devina tout. Il prit le verre, le brisa sur la face de celui qui le lui présentait, et s’élança dans la direction du cri.

Au bout de cent pas, au détour d’un buisson, il trouva Rita évanouie entre les bras de Cucumetto.

En apercevant Carlini, Cucumetto se releva tenant un pistolet de chaque main.

Les deux bandits se regardèrent un instant : l’un le sourire de la luxure sur les lèvres, l’autre la pâleur de la mort sur le front.

On eût cru qu’il allait se passer entre ces deux hommes quelque chose de terrible. Mais peu à peu les traits de Carlini se détendirent ; sa main, qu’il avait portée à un des pistolets de sa ceinture, retomba près de lui pendante à son côté.