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l’odeur du chevreau qui rôtissait au bivouac voisin, la préoccupation s’était changée en appétit.

Il toucha deux mots de ce nouvel incident à Gaetano, qui lui répondit qu’il n’y avait rien de plus simple qu’un souper quand on avait comme eux dans leur barque du pain, du vin, six perdrix et un bon feu pour les faire rôtir.

— D’ailleurs, ajouta-t-il, si Votre Excellence trouve si tentante l’odeur de ce chevreau, je puis aller offrir à nos voisins deux de nos oiseaux pour une tranche de leur quadrupède.

— Faites, Gaetano, faites, dit Franz ; vous êtes véritablement né avec le génie de la négociation.

Pendant ce temps, les matelots avaient arraché des brassées de bruyères, fait des fagots de myrtes et de chênes verts, auxquels ils avaient mis le feu, ce qui présentait un foyer assez respectable.

Franz attendait donc avec impatience, humant toujours l’odeur du chevreau, le retour du patron, lorsque celui-ci reparut et vint à lui d’un air fort préoccupé.

— Eh bien ! demanda-t-il, quoi de nouveau ? on repousse notre offre ?

— Au contraire, fit Gaetano. Le chef, à qui l’on a dit que vous étiez un jeune homme français, vous invite à souper avec lui.

— Eh bien ! mais, dit Franz, c’est un homme fort civilisé que ce chef, et je ne vois pas pourquoi je refuserais ; d’autant plus que j’apporte ma part du souper.

— Oh ! ce n’est pas cela : il a de quoi souper, et au delà, mais c’est qu’il met à votre présentation chez lui une singulière condition.

— Chez lui ! reprit le jeune homme ; il a donc fait bâtir une maison ?