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eh bien ! ils trouvent là une barque, et dans cette barque de bons garçons comme nous. Ils viennent nous demander l’hospitalité dans notre maison flottante. Le moyen de refuser secours à un pauvre diable qu’on poursuit ! Nous le recevons, et, pour plus grande sécurité, nous prenons le large. Cela ne nous coûte rien et sauve la vie ou, tout au moins, la liberté à un de nos semblables qui, dans l’occasion, reconnaît le service que nous lui avons rendu en nous indiquant un bon endroit où nous puissions débarquer nos marchandises sans être dérangés par les curieux.

— Ah çà ! dit Franz, vous êtes donc un peu contrebandier vous-même, mon cher Gaetano ?

— Eh ! que voulez-vous, Excellence ! dit-il avec un sourire impossible à décrire, on fait un peu de tout ; il faut bien vivre.

— Alors vous êtes en pays de connaissance avec les gens qui habitent Monte-Cristo à cette heure ?

— À peu près. Nous autres mariniers, nous sommes comme les francs-maçons, nous nous reconnaissons à certains signes.

— Et vous croyez que nous n’aurions rien à craindre en débarquant à notre tour ?

— Absolument rien ; les contrebandiers ne sont pas des voleurs.

— Mais ces deux bandits corses… reprit Franz calculant d’avance toutes les chances de danger.

— Eh mon Dieu ! dit Gaetano, ce n’est pas leur faute s’ils sont bandits, c’est celle de l’autorité.

— Comment cela ?

— Sans doute ; on les poursuit pour avoir fait une peau, pas autre chose ; comme s’il n’était pas dans la nature du Corse de se venger !