Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 2.djvu/141

Cette page a été validée par deux contributeurs.

chargé d’affaires de France près le saint-siège avait été dévalisé à cinq cent pas de Velletri ?

— Si fait.

— Eh bien ! si comme nous Votre Excellence habitait Livourne, elle entendrait dire de temps en temps qu’un petit bâtiment chargé de marchandises ou qu’un joli yacht anglais, qu’on attendait à Bastia, à Porto-Ferrajo ou à Civita-Vecchia, n’est point arrivé, qu’on ne sait ce qu’il est devenu, et que sans doute il sera brisé contre quelque rocher. Eh bien ! ce rocher qu’il a rencontré, c’est une barque basse et étroite, montée de six ou huit hommes qui l’ont surpris ou pillé par une nuit sombre et orageuse au détour de quelque îlot sauvage et inhabité, comme des bandits arrêtent et pillent une chaise de poste au coin d’un bois.

— Mais enfin, reprit Franz toujours étendu dans sa barque, comment ceux à qui pareil accident arrive ne se plaignent-ils pas, comment n’appellent-ils pas sur ces pirates la vengeance du gouvernement français, sarde ou toscan ?

— Pourquoi ? dit Gaetano avec un sourire.

— Oui, pourquoi ?

— Parce que d’abord on transporte du bâtiment ou du yacht sur la barque tout ce qui est bon à prendre ; puis on lie les pieds et les mains à l’équipage, on attache au cou de chaque homme un boulet de 24, on fait un trou de la grandeur d’une barrique dans la quille du bâtiment capturé, on remonte sur le pont, on ferme les écoutilles et l’on passe sur la barque. Au bout de dix minutes, le bâtiment commence à se plaindre et à gémir, peu à peu il s’enfonce. D’abord un des côtés plonge, puis l’autre ; puis il se relève, puis il plonge encore, s’enfonçant toujours davantage. Tout à coup un bruit pareil à un coup