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Emmanuel essayait de rassurer les femmes, mais il était mal éloquent. Le jeune homme était trop au courant des affaires de la maison pour ne pas sentir qu’une grande catastrophe pesait sur la famille Morrel.

La nuit vint : les deux femmes avaient veillé, espérant qu’en descendant de son cabinet Morrel entrerait chez elles ; mais elles l’entendirent passer devant leur porte, allégeant son pas dans la crainte sans doute d’être appelé.

Elles prêtèrent l’oreille, il rentra dans sa chambre et ferma sa porte en dedans.

Madame Morrel envoya coucher sa fille ; puis, une demi-heure après que Julie se fut retirée, elle se leva, ôta ses souliers et se glissa dans le corridor pour voir par la serrure ce que faisait son mari.

Dans le corridor elle aperçut une ombre qui se retirait : c’était Julie, qui, inquiète elle-même, avait précédé sa mère.

La jeune fille alla à madame Morrel.

— Il écrit, dit-elle.

Les deux femmes s’étaient devinées sans se parler.

Madame Morrel s’inclina au niveau de la serrure. En effet, Morrel écrivait ; mais, ce que n’avait pas remarqué sa fille, madame Morrel le remarqua, elle, c’est que son mari écrivait sur du papier marqué.

Cette idée terrible lui vint, qu’il faisait son testament ; elle frissonna de tous ses membres, et cependant elle eut la force de ne rien dire.

Le lendemain M. Morrel paraissait tout à fait calme : il se tint dans son bureau comme à l’ordinaire, descendît pour déjeuner comme d’habitude, seulement après son dîner il fit asseoir sa fille près de lui, prit la tête de l’enfant dans ses bras et la tint longtemps contre sa poitrine.

Le soir, Julie dit à sa mère que, quoique calme en